9 décembre - saint Pierre Fourier — Paroisse de Gray

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9 décembre - saint Pierre Fourier

Itinéraire d'un fils de marchand drapier, de Mirecourt à Gray en passant par Mattaincourt, qui a consacré sa vie aux enfants, aux pauvres et aux malades.

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De Michel Mauclair :

La pandémie que nous connaissons actuellement a-t-elle des précédents à Gray ou dans les environs ? Sous sa forme actuelle, certainement pas. Avec une telle population ? Pas davantage. Mais il est une époque où se sont conjugués plusieurs fléaux : la peste, la famine et les guerres. C’était alors la Guerre de Dix Ans et les principaux remèdes s’appelaient piété, prières, dévotion mais aussi confinement avec les loges ou maladreries (lieu d’enfermement des malades de la peste). Il est possible de dire, quelque 380 années plus tard, que la ville de Gray a été épargnée par un homme, Pierre Fourier, de passage à Gray presque par hasard, poussé par des évènements politiques dans sa Lorraine natale, et par une statuette, celle de Notre-Dame de Gray. Nous avons souhaité vous présenter cette histoire dans un récit que certains auront peut-être du mal à croire mais où pourtant tout est vrai. Autre temps, autre vision des choses ?

  • Qui est Pierre Fourier ?

Pierre Fourier est un Lorrain, né le 30 novembre 1565 à Mirecourt dans les Vosges. Après des études à l’université de Pont à Mousson, il est chanoine à l’abbaye de Chaumousey qu’il va réformer. Ordonné prêtre le 25 février 1589, il devient curé de Mattaincourt en 1597 jusqu’à son départ en 1636 vers la Franche-Comté et Gray. Entre temps, il a créé une caisse de secours mutuel et a fondé, avec l’aide d’Alix Le Clerc, la congrégation des chanoinesses de Notre-Dame destinée à éduquer gratuitement les filles.

Son départ pour Gray a été retardé le plus longtemps possible. Fidèle à son souverain, le duc de Lorraine, opposant au Roi de France et à Richelieu, Pierre Fourier quitte sa terre natale le 12 avril 1636. Il fuit vers la Franche-Comté pour ne pas prêter fidélité à Louis XIII, la France ayant annexé la Lorraine, où il est considéré comme suspect. Accompagné par 14 de ses religieuses, il séjourne d’abord à Dampierre-sur-Salon avant de se présenter devant les portes de Gray qui restent fermées à cause d’une épidémie de peste. Il se dirige vers Pesmes où le châtelain l’accueille le 7 mai 1636. Son séjour sera de courte durée car les Français ne sont pas loin. Pesmes sera prise le 27 mai. Le petit groupe revient alors à Gray pour supplier le maire de les laisser entrer. Reconnu par des militaires lorrains présents à Gray, Pierre Fourier et ses religieuses sont autorisés à pénétrer dans la ville. Nous sommes le 29 mai 1636. La question se pose alors de savoir où les loger. Ce sera chez le seigneur de Bonhours à l’hôtel d’Ancier. Pierre Fourier refuse la chambre luxueuse qui lui est offerte et demande à s’installer dans la cellule en haut de la tour (rue du Marché) avec un équipement des plus sobres.

Très vite, il se trouve confronté à la peste. Il demande à ses sœurs de prier pour les malades. Quelques améliorations sont constatées, ce qui va créer autour de Pierre Fourier un vaste mouvement d’amitiés, d’abord parmi les autorités de la ville, mais aussi dans la population. Dans le même temps, il faut faire face à la guerre. Le Roi de France cherche à imposer ses prétentions sur la ville de Gray. Inquiet, le maire va trouver Pierre Fourier. Le 9 juin 1636, une messe est célébrée en présence de la statuette de Notre-Dame de Gray. Deux jours plus tard, les troupes françaises partent.

Ayant quitté la Lorraine pour échapper aux troupes françaises, Pierre Fourier arrive à Gray avec 14 religieuses. Les Français ne sont pas loin. Nous sommes en pleine Guerre de Dix Ans avec épidémie de peste et famine.

  • Sa devise : « Ne nuire à personne, être utile à tous »

La présence des troupes françaises dans la région pousse les populations à venir se réfugier derrière les remparts de la ville, provoquant une accélération de la peste. Des habitants du bas de la ville viennent s’installer sous les arcades de l’hôtel-de-ville pour bénéficier d’un air renouvelé. Des prières publiques sont organisées, des processions parcourent les rues de la ville. Début novembre 1636, Pierre Fourier conseille (il n’impose rien) une semaine de prières publiques. Pour Les Graylois, Pierre Fourier est une espérance. Même les plus hauts dignitaires sont transportés devant sa grandeur d’âme. Si au début 1637, la peste marque un palier, elle ne disparaît pas pour autant. Les autorités, toujours sur les conseils de Pierre Fourier, organisent de nouvelles cérémonies publiques : remise en honneur de la dévotion à Saint-Sébastien (martyr romain invoqué contre les épidémies de peste) exposition du Saint-Sacrement, pratique de la charité et du jeûne, procession générale autour des remparts suivie par une foule considérable. Pierre Fourier bénit la ville et les villages alentour. L’épidémie décline, mais Pierre Fourier maintient les prières et le jeûne jusqu’à la disparition totale de la maladie en juin 1637.

En juin 1638, autre fléau: la famine. Les personnes qui n’ont pas de moyens de subsistance doivent quitter la ville. En décembre, des femmes affamées dévorent le cadavre d’un enfant sous le pont.    Des gens  meurent de faim dans la rue, vivent sur de la paille sur les trottoirs. Partout où Pierre Fourier se rend, il est suivi par la foule.  Aussi lui arrive-t-il de se cacher ou d’emprunter des petites ruelles pour aller célébrer sa messe.

En 1640, Pierre Fourier, rejoint par deux chanoines de sa congrégation, entre au collège à la demande des autorités municipales. En juillet, la ville est à nouveau encerclée par les ennemis qui s’en prennent aux futures récoltes et les détruisent. Le 2 juillet, il pleure en célébrant sa messe. Dès celle-ci terminée, il est rayonnant en annonçant le départ des ennemis. Le 12 octobre, malade, il est obligé de s’aliter. Malgré les soins, sa maladie s’aggrave. En novembre, il s’affaiblit. Le 9 décembre au soir, il fait venir les chanoines de sa congrégation, leur confie ses dernières volontés. Vers 22 heures, il reçoit l’extrême-onction. Peu après, il prononce ses dernières paroles : « Nous avons un bon Maître et une bonne Souveraine ». La tradition dit qu’au moment de sa mort, les soldats de garde sur les remparts ont vu comme une boule de feu se diriger vers la Lorraine.

Le lendemain, l’annonce de sa mort se répand dans toute la ville, provoque beaucoup de larmes, mais aussi des scènes d’hystérie. Les cloches sonnent comme pour la mort du Roi. Le corps est exposé au collège. Chacun voulant l’approcher une dernière fois, c’est la bousculade. Pour protéger le corps, un piquet de soldats monte la garde. Les magistrats de Gray demandent que ses entrailles soient enterrées dans l’église avec beaucoup de solennité. Les filles de Gray se sont cotisées pour acheter deux cercueils, un en chêne, l’autre en argent. Après l’office de funérailles, le cercueil est transporté dans une chapelle de l’église paroissiale dans l’attente de connaître sa destination finale.

Après quatre années passées à Gray, Pierre Fourier a rendu son âme à Dieu. Au-delà de sa mort, il est toujours présent dans la mémoire de ceux qui l’ont connu. Ses vertus, son sens du dévouement, ses secours aux pauvres, son humilité et les miracles qui se produiront par son intercession en feront un saint reconnu par l’Église.

  • La reconnaissance de la sainteté de Pierre Fourier

Commence alors la « bataille » pour fixer le lieu de sépulture définitif. Les Graylois veulent le garder et les Lorrains veulent son retour. Au bout de 4 mois de négociation, le pape Innocent X autorise le transport du corps en Lorraine, mais les Graylois font la sourde oreille. Un accord est finalement trouvé le 12 mars 1641 et le convoi quitte Gray le 27 mars escorté par une foule énorme qui ne veut pas se séparer de celui qui leur a témoigné tant de secours dans une période difficile. En Lorraine aussi le retour du corps provoque des contestations. Les chanoines de Pont à Mousson  comme les habitants de Mattaincourt veulent le recevoir. Le corps est alors enterré dans l’église de ce village mais la procédure est loin d’être terminée….puisque la transaction définitive aura lieu le 21 mai 1732.

Pendant que l’on se dispute le corps de Pierre Fourier en Lorraine, les Graylois ne sont pas en reste car le cœur, promis à leur garde le 27 mars 1641, a disparu de l’église où il avait été déposé. Il est finalement retrouvé à Besançon, non sans avoir provoqué pagaille et désapprobation parmi la population.

Comme des miracles se produisent au tombeau de Pierre Fourier, après une enquête minutieuse, il est déclaré « vénérable » par le pape Innocent XI le 23 mars 1679. Le 10 janvier 1730, après étude des miracles, le pape Benoît XIII promulgue une bulle de béatification, fêtée à Rome le 29 janvier suivant. Puis le 14 février 1897, le pape Léon XIII proclame la canonisation de Pierre Fourier, fêtée à Rome le 27 mai 1897. Une grande fête est organisée à Gray pour célébrer cette décision. Au cours des siècles, plusieurs visites du reliquaire renfermant le cœur ont eu lieu. A chaque fois, le cœur est trouvé en parfait état de conservation.

La ville de Gray garde et maintient bien présente la mémoire de cet homme extraordinaire, d’une grande douceur avec les autres mais exigeant avec lui-même, fidèle politiquement à son prince lorrain, pratiquant une charité exceptionnelle avec les pauvres. Ainsi, une chapelle lui est dédiée dans la basilique, son logement à Gray a été conservé, une fontaine publique avec sa statue orne la rue du Marché et un groupe scolaire porte son nom depuis plus de deux siècles.

Si le recours à Notre-Dame de Gray et à saint Pierre Fourier a largement aidé à la protection des Graylois face aux grands fléaux et en particulier la peste, n’oublions pas l’appui des saints Sébastien et Roch.

  • Contre la peste, saint Sébastien et saint Roch.

La protection contre la maladie, et surtout la peste, est aussi attribuée à deux saints particulièrement vénérés à Gray et les environs. Saint Sébastien, originaire de Narbonne, devient centurion dans l’armée romaine tout en pratiquant sa foi chrétienne. Des guérisons lui sont attribuées, dont celle d’un dignitaire romain, ce qui est mal vu dans cette période de persécutions des chrétiens. Sébastien est alors condamné à être attaché à un poteau, tandis que ses archers lui transpercent le corps avec des flèches. Laissé pour mort, il guérit néanmoins. C’en est trop pour les Romains qui le font battre jusqu’à ce que mort s’en  suive. C’est par son intercession que la ville de Pavie guérira de la peste (en 680). 

De nombreuses confréries sont toujours consacrées à saint Sébastien, telle celle du village de Cresancey. Celle-ci fut créée le 15 janvier 1584 par un écuyer, Jacques Desmoulins, et une douzaine de villageois. À l’époque de la Guerre de Dix Ans, les confrères sont autorisés par l’archevêque à dédier une des deux chapelles de l’église à saint Sébastien  et à y célébrer une messe par semaine. À partir de 1714, les confrères versent une participation destinée à rémunérer le curé pour les célébrations qu’il assure dans ladite chapelle. Les statuts sont modifiés en 1803. Le curé est nommé directeur de la confrérie, à laquelle tous les paroissiens sont associés. Le bâtonnier veille au bon entretien de la chapelle. Chaque année la statue du Saint visite une famille. C’est en procession qu’elle se rend de l’église à la maison qui la reçoit. Un an plus tard, elle fait le chemin inverse. Cette organisation ne doit pas être considérée comme une simple survivance d’une tradition populaire. C’est aussi le rappel des manifestations de foi de nos ancêtres et de leur croyance en des interventions pour les protéger et les guérir.

Saint Roch est aussi invoqué en temps de peste. Né à Montpellier, il mène très jeune une vie de pèlerin. Le long de sa route, il soigne des malades de la peste et il obtient des guérisons. Atteint par la maladie, il se retire dans une cabane et finit par guérir, nourri par un chien. De retour dans sa ville natale, il est pris pour un espion. Enfermé dans une prison, il y meurt au bout de cinq années vers 1380. Le concile de Ferrare le déclare protecteur contre les épidémies de peste. Celle-ci menaçant à nouveau Gray en 1630, une procession est organisée avec la statuette de Notre-Dame de Gray dans tous les quartiers. Les autorités municipales décident aussi de se rendre à la chapelle de saint Roch dans les bois de Beaujeu le jour de sa fête (le 16 août). Pour la circonstance, la municipalité fait réaliser un tableau représentant la Vierge portant l’Enfant-Jésus, entourée de saint Roch et saint Gand. Une inscription sur le tableau en rappelle le motif : « La ville de Gray, la peste approchant ses habitants, a voué et donné ce tableau l’an 1630 ». 

Si la peste a fort heureusement disparu, nous sommes toujours sujets à de nouvelles maladies, en témoigne la pandémie actuelle. Les Saints qui ont autrefois protégé les populations contre les épidémies, peuvent aujourd’hui nous préserver face aux nouvelles. L’important est de ne pas négliger l’appui spirituel dans nos difficultés quotidiennes.

(*) Photo ci-dessus : saint Pierre Fourier - Basilique Notre-Dame - Gray