Vendredi Saint — Paroisse du Pays de Pontarlier

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Vendredi Saint

Par le Père Jean-François Baudoz

Vendredi Saint           

Ecce homo : « Voici l’homme ! » (Jean 19,5). C’est ainsi que, selon l’évangile selon saint Jean, Pilate présente Jésus à la foule.

            Voici l'homme revêtu du manteau de pourpre et couronné d’épines, qui vient d'être livré aux sévices du corps de garde et roué de coups (Jean 19,3).  Voici l'homme tel qu'il apparaît à la foule qui se met à crier : "Crucifie-le ! Crucifie-le !" (Jn 19,6). Voici l'homme, dit Pilate qui ne pense pas parler aussi juste. Voici la figure de l'humanité outragée. Jésus défiguré est l'image même de nos frères en humanité.

            Le voici qui ressemble à tous les torturés de la terre, à toutes les victimes d'une guerre, d'une catastrophe, d’un attentat, d'un accident ou d'une maladie. Le voici qui ressemble à toutes les victimes de la pandémie qui frappe notre monde. Jésus couronné, ridiculisé, assassiné, fait corps avec notre humanité.

            Nous nous posons souvent — avec raison mais souvent avec une sorte d'étonnement amer — ce qu'il est convenu d'appeler le problème du mal. Comment Dieu peut-il permettre tant de souffrances sur notre terre, celle des enfants victimes de la perversité humaine, celle des hommes et des femmes accusés injustement ou pour qui la vie n'a pas de sens, celle des parents qui perdent un enfant, de ceux qui vont d'échec en échec, de ceux qui sont trahis, de ceux qui meurent en ces jours de grande misère... ? On pourrait allonger la liste et chacun peut énoncer dans son cœur la souffrance qui est la sienne ou celle dont il est le témoin impuissant.

            Chacun sait bien sûr qu'au problème du mal il n'y a pas de réponse satisfaisante. Ce n'est qu'avec beaucoup de retenue qu'il faut parler de la souffrance, si l'on doit toutefois en parler. Le Cardinal Veuillot, Archevêque de Paris, mourant sur son lit d'hôpital en février 1968, confiait à ses proches collaborateurs : « Nous avons fait de belles phrases sur la souffrance. Moi-même, j'en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n'en rien dire. Nous ignorons ce qu'elle est. J'en ai pleuré. »

            Ceux qui approchent des personnes qui souffrent — particulièrement tous les soignants à notre service — savent bien que ce ne sont pas d'abord les paroles qu'ils prononcent qui sont importantes. Comme disciples du Christ, nous pouvons seulement dire dans la foi que Jésus, le Fils de Dieu, a partagé notre condition humaine au point d'en assumer les souffrances. Il a même subi injustement le mal et la violence, puisque lui, l'innocent, a été mis à mort comme un brigand. Jésus maltraité et défiguré est pour nous le signe qu'aucune situation humaine, si douloureuse soit-elle, n'est étrangère à Dieu. Nous savons que Jésus nous précède sur le chemin de la croix.

            À travers ce Jésus défiguré, nous pressentons qui est pour nous notre Dieu : un Dieu qui ne nous fait certes pas échapper aux vicissitudes de la condition humaine mais un Dieu qui se fait notre prochain en Jésus. Si Jésus défiguré est l'image même de notre humanité, ce même Jésus défiguré est en même temps « l'image visible du Dieu invisible » (Colossiens 1,15) : un Dieu qui aime tellement qu'il fait réellement siennes les souffrances de l'humanité.

            Dans une homélie donnée le 14 septembre 1993, fête de la Croix glorieuse, Frère Christian de Chergé, alors prieur de Tibhirine, assassiné en 1996 avec six autres moines cisterciens, disait : « Nous retiendrons ce message premier pour qui veut parler de la croix : se tenir là, en silence, comme Marie, bras étendus pour tout offrir, joies et souffrances mêlées, pour tout accueillir, glaive et gloire à la fois. Tout cela qui fait de la croix le lieu de notre rencontre avec Jésus. »

            L’insistance des évangiles sur la Passion, les souffrances et la mort de Jésus en croix a évidemment un but pastoral. La Passion concerne tous les hommes. Et qui parmi nous peut prétendre ne pas porter sa croix ? Quel est donc le lien entre la croix du Christ et les nôtres ? Les récits de la Passion nous mettent sur la voie. Jésus a vécu la Passion qui l'a conduit à la mort mais, aussi mystérieusement qu'inéluctablement, la Résurrection était déjà à l’œuvre dans sa Passion. Celle-ci a été le terreau à partir duquel a surgi la Vie : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire ? » (Luc 24,26)

            "Scandale pour les Juifs, folie pour les païens » (1 Corinthiens 1,23), le signe de la croix que nous traçons sur nous est devenu celui de notre foi en Dieu Trinité. Ce qui veut dire qu'il a fallu l'événement de la croix pour que Dieu révèle pleinement qui Il est : Père, Fils et Esprit Saint.

            C’est par la croix que nous entrons dans le mystère de Dieu !

Père Jean-François Baudoz