LES ELECTIONS EN 2022 — Paroisse de Gray

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LES ELECTIONS EN 2022

La France vit une année électorale importante avec l’élection présidentielle (dimanche 10 avril et dimanche 24 avril 2022) et les élections législatives (12 et 19 juin 2022).

CHOISIR L'ESPÉRANCE

À l’approche d’importantes échéances électorales, l’Église catholique en France a choisi de reprendre la parole. Consciente de sa fragilité et de ses fautes, encore cruellement mises en lumière par le récent rapport sur les abus sexuels, dans le respect du pluralisme politique et de la liberté civique de chacun, elle ose nous offrir une déclaration qui nous invite, par-delà les candidats et les programmes, à une attitude à la fois fondamentale et concrète : le choix de l’espérance.
Dans notre société fracturée et tendue, il n’est pas évident de croire qu’il est encore possible de vivre en paix. Pour faire le choix de la rencontre et non du repliement, pour envisager d’emblée le bien commun fondé sur la justesse éthique et la justice sociale, il faut espérer que l’homme est capable de dépasser ses peurs et ses intérêts les plus immédiats, afin qu’un avenir commun soit envisageable pour tous.( …)
En reprenant la triple devise républicaine, les évêques rappellent que tout se tient, et que la liberté sans responsabilité met en danger l’égalité et surtout la fraternité ; de même que le problème de la liberté citoyenne et religieuse se pose à nouveau devant certaines législations restrictives, ou lorsqu’on considère l’omniprésence des moyens numériques.

L’espérance nous redit par ailleurs que les religions sont d’abord une chance pour notre société, parce qu’elles rappellent, chacune selon sa voie propre, que l’humanité est une unique famille. De même, leur rencontre respectueuse et fraternelle contribue largement au bien commun. De même, la transition écologique est possible et prometteuse, si elle est vraiment intégrale et attentive à la justice sociale et à la coopération internationale. Plus loin encore, l’espérance nous rappelle que la France n’est pas une île, et qu’elle doit manifester sa générosité et son humanité, notamment dans le drame et le défi des flux migratoires, sans négliger bien sûr une politique de régulation responsable.
L’espérance, enfin, nous engage à transmettre, dans une solidarité renouvelée avec les générations plus jeunes et à venir. À ce titre, il y a certainement urgence à redresser la barre, au risque de leur livrer un pays surendetté, sans vraies valeurs humaines, sociales et culturelles.
Au seuil des prochaines élections, l’Église catholique n’est donc d’aucun parti, mais elle nous invite à un pari qui est sans doute le plus beau : celui de l’espérance.

+ Didier Berthet, Évêque de Saint-Dié, 2022

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Élections présidentielles en avril, législatives en mai, l’année 2022 est riche d’échéances majeures pour notre société.

L’OBSERVATOIRE SOCIÉTAL DIOCÉSAIN (OSD) VOUS PROPOSE QULEQUES REPÈRES ET ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION.

  • De l’espérance et non de la candeur enfantine
    Chrétiens, nous sommes portés par l’espérance d’un monde meilleur à  construire avec d’autres. Parfois, nous avons tendance à nous comporter comme des enfants devant le Père Noël... Le futur président ou présidente nous apporterait tous les cadeaux que l’on souhaite, comme dans un rêve… Oui, il nous faut tendre vers un monde meilleur, et la politique doit y contribuer. Non, le président(e) ne peut pas tout et son élection n’est qu’un début : celui de la mise en mouvement de la société faite de citoyens, d’institutions, de salariés, d’entrepreneurs, de bénévoles, de consommateurs, d’organisations…
  • De la nuance et non de la mollesse
    Chrétiens, nous veillons au respect de l’autre et avons le souci de la concorde. Cela peut nous amener à aplanir les divergences, voire à les cacher. Pourtant, notre monde n’a pas besoin de mollesse, bien au contraire tant les défis sont nombreux. Il a besoin de dynamisme et d’audace, il a besoin de femmes et d’hommes qui se retroussent les manches pour proposer des initiatives nouvelles et solidaires. Loin des sautes d’humeur et polémiques faciles, il a surtout besoin de mesures, c’est-à-dire de calme et de tempérance, mais également de précision, de persévérance et de rationalité.
  • Du discernement et non de la nostalgie
    Chrétiens, nous sommes tournés vers l’avenir. Mais nous revenons toujours à l’histoire des relations entre Dieu et l’humanité, et notamment la venue du Christ. La tentation nostalgique nous guette… que c’était mieux avant ! Le monde était plus simple, les hommes et femmes politiques d’un supposé autre niveau, supérieur. Nous étions surtout plus jeunes et en meilleure santé pour affronter le monde. Sachons discerner et reconnaitre tous les talents qui émergent malgré la complexité croissante.
  • Du débat et non du dogmatisme
    Chrétiens, nous affirmons l’importance des dogmes. Et parallèlement, nous sommes en réflexion permanente autour des textes de la Bible, en accueil permanent des signes du Ressuscité au cœur de nos vies. Cette posture est une force pour nous écarter des affirmations dogmatiques sans pour autant abandonner nos convictions, mais simplement oser l’écoute de l’autre, tenter de le rejoindre sans se perdre, risquer de le comprendre et peut-être de changer d’avis.
  • De l’universalisme et non du repli national
    Chrétiens, nous savons notre lien imprescriptible avec toute l’humanité. Cependant, il est plus simple et rassurant de résoudre ses petits soucis de proximité. Il est plus facile d’omettre ce qui est éloigné physiquement. Mais notre relation au Créateur nous guide vers la terre entière et l’ensemble de ses enfants, hommes et femmes de ce monde. Si des solutions peuvent être locales, les ambitions se placent sur le cadre européen et planétaire. Et n’oublions pas que, d’accord ou pas, l’Europe est depuis 30 ans le cadre principal de nos décisions politiques…
  • De la solidarité et non de l’individualisme
    Chrétiens, nous portons dans nos gènes de faire advenir un monde meilleur ou la solidarité et le bien commun sont un préalable (ou notre ADN). Dans les programmes des candidats et des partis politique, nous serons attentifs à la place des personnes plus vulnérables, au traitement de toutes les formes de pauvreté, à la sauvegarde de notre planète et de notre environnement.

Comment nourrir nos réflexions et échanges ? Mais tout simplement en prenant le temps de lire, écouter, regarder nos médias, locaux comme nationaux, avec davantage de distance pour les plus réactifs. Bonne année politique !

Pour l’OSD, Nicolas MILLOT

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“L’ESPÉRANCE NE DÉÇOIT PAS”,
repères de discernement sur la vie sociale et politique en 2022
Source : Église catholique de France

Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France publie “L’espérance ne déçoit pas”. Les dix évêques proposent aux citoyens, aux catholiques et à ceux qui voudront bien le lire, quelques repères de discernement sur la vie sociale et politique. L’Église souhaite avec humilité contribuer à la réflexion qui alimentera les débats nécessaires au vote de la prochaine Présidence de la République.

  • Pourquoi cette déclaration avant les élections ?

Dans une vidéo annonçant la déclaration, Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre et co-auteur du texte, explique : « Nous n’entrons pas dans le débat partisan, pas de consignes de vote ! Les catholiques sont en mesure de faire des choix en conscience. Mais notre responsabilité est de contribuer à éclairer ce discernement. » D’où la sortie du texte suffisamment tôt pour « être en amont du débat partisan » des élections. Un texte proposé « avec humilité et détermination ». Il suggère que le document puisse être lu de façon individuelle, mais servir aussi à des échanges en groupe, entre autre dans les communautés chrétiennes. Il peut être transmis aux élus locaux, soutenir un échange avec la presse… Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques, a déclaré à La Croix ce 18 janvier : « Nous allons envoyer ce texte aux députés, sénateurs et à tous les candidats à l’élection présidentielle pour entamer un dialogue sur les points qui nécessitent la vigilance de tous. » Pourquoi ce titre ? « L’espérance c’est, dans la crise, persévérer dans la lumière du Christ mort et ressuscité. Il y a des forces qui permettent de faire face aux situations présentes ! » conclut Mgr Rougé.

  • Qui a écrit ce texte ?

Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France est l’organisme qui est responsable de piloter le travail de la Conférence, à travers ses services, commissions, groupes de travail… Il se réunit une fois par mois. Son président est actuellement Mgr Éric de Moulins-Beaufort et son secrétaire est le P. Hugues de Woillemont. Il est accompagné par 8 autres évêques : Mgrs Dominique Blanchet, Pascal Wintzer, Olivier Leborgne, Jean-Pierre Batut, Jean-Marc Eychenne, Dominique Lebrun, Philippe Mousset, Matthieu Rougé, Pascal Wintzer.

Les évêques de France s’étaient déjà exprimés d’une façon analogue lors des dernières échéances électorales nationales de notre pays : Qu’as-tu fait de ton frère ? (2006), Un vote pour quelle société (2011), Dans un monde qui change, retrouver le
sens du politique (2016).

Thèmes des différents chapitres de l'ouvrage :
Introduction - Avec humilité / Choisir de vivre ensemble la paix / Promouvoir la liberté, l'égalité et la fraternité /
Les religions : une chance pour notre société en quête de sens / Pour une écologie authentiquement intégrale
La France n'est pas une île / Transmettre / Conclusion

INTRODUCTION : AVEC HUMILITÉ

► L’année 2022 sera marquée dans notre pays par les élections présidentielles et législatives. Ces échéances électorales sont une occasion de débattre et de discerner dont les catholiques ne sauraient se désintéresser. Le contexte actuel pose aux concitoyens que nous sommes tous des questions singulièrement graves et nombreuses : elles appellent à prendre toute leur notre part à la réflexion commune. L’interrogation biblique « qu’as-tu fait de ton frère ? » avait servi de titre au document proposé par les évêques à l’approche des élections de 2007. Cette question doit rester l’exigence principale qui déterminera nos choix électoraux.

► C’est avec humilité que l’Église catholique intervient dans le débat qui s’ouvre. Réunis en Assemblée plénière début novembre 2021, les évêques de France ont en effet reconnu la responsabilité institutionnelle de l’Église dans les violences qu’ont subies tant de personnes victimes d’agressions sexuelles en son sein et la dimension systémique de ces abus. Notre Église a failli. C’est bien conscient de cette situation que le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France ose néanmoins partager la présente réflexion car Celui en qui nous croyons nous invite à lui rendre témoignage, au-delà même des fautes et des péchés que nous reconnaissons.

► La crise du coronavirus souligne avec brutalité les fragilités humaines et spirituelles de notre société mais aussi sa grande capacité de rebond et de créativité. Il y a en elle beaucoup de violences latentes qui s’expriment parfois malheureusement en paroles et en actes. Le risque de fracturation de notre communauté nationale tout comme la recrudescence des tensions internationales sont réels. La période électorale constitue une occasion pour chacun d’assumer mieux ses responsabilités à l’égard de tous. Nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans l’amertume ou le découragement. Notre foi chrétienne nous pousse à affirmer et à reconnaître les capacités de justice et de paix présentes dans le cœur humain. Nous sommes donc constamment appelés non seulement à la vigilance éthique et sociale mais aussi à l’espérance.

THÈME  : CHOISIR DE VIVRE EN PAIX ENSEMBLE

► La vie en société passe par le choix de chacun de vivre en paix avec tous. « Retrouver le sens du politique », comme nous y invitions en 2016, ce n’est pas d’abord avoir des idées sur la politique mais avant tout cultiver le désir de respecter profondément et activement ceux et celles au milieu de qui nous vivons. Le défi inhérent au système démocratique consiste pour une société à choisir la direction qu’elle veut prendre en acceptant la confrontation des aspirations et des conceptions diverses de ses membres.

► Nous appelons donc de nos vœux un débat préélectoral qui permette une rencontre franche et respectueuse des idées et des programmes, afin d’aboutir à une décision électorale qui pourra être accueillie par tous et porter du fruit à long terme. De ce point de vue, si la décision de voter blanc peut avoir du sens, s’abstenir de voter est un manquement à la responsabilité qui incombe à chacun à l’égard de tous : assumer cette responsabilité est un devoir qui demeure même dans des institutions toujours imparfaites et toujours p Il n’est d’ailleurs pas illégitime de se demander si les modifications apportées à nos institutions ces dernières décennies ont vraiment favorisé une amélioration de leur fonctionnement et une participation plus effective des citoyens à la vie politique.

► Les chrétiens savent également que la justesse éthique et la justice sociale vont de pair et qu’il n’est jamais légitime ni fécond de choisir l’une au détriment de l’autre ou d’imaginer préserver l’une en sacrifiant l’autre. Le bien commun est un tout complexe dont on ne peut se satisfaire de privilégier une dimension en négligeant les autres. Un des apports possibles des chrétiens à la réflexion commune est précisément la prise en compte attentive de « tous les hommes et de tout l’homme », de la richesse globale des personnes et de la société à préserver et à promouvoir.

PROMOUVOIR LA LIBERTÉ, L'ÉGALITÉ ET LA FRATERNITÉ

► La communauté humaine n’est pas une création du politique mais elle lui préexiste : le politique est au service de cette communauté et lui permet d’accomplir ce pour quoi elle est faite. Les chrétiens n’attendent pas tout de la politique et les politiques doivent se garder de promettre plus qu’ils ne sont en mesure d’offrir. La révélation biblique et les sagesses humaines, celle des anciens Grecs en particulier, mettent en garde contre la démesure ou l’idolâtrie du pouvoir. Promouvoir humblement et sérieusement la justice et la paix, limiter l’injustice et la violence, ces objectifs peuvent sembler trop peu ambitieux alors qu’ils traduisent le souci authentique du bien commun qui cherche à créer les conditions d’épanouissement de la liberté de chacun et de tous. Beaucoup d’hommes et de femmes intègres et courageux, engagés en politique, pourraient en témoigner, car la paix et la justice sociale dépendent pour une bonne part de l’engagement et des initiatives (culturelles, économiques, sociales, éducatives, associatives…) de tous les citoyens. Il ne s’agit donc pas d’attendre trop des pouvoirs publics, ni pour les politiques de surenchérir dans les promesses : les citoyens ne peuvent pas se défausser sur l’Etat ou les collectivités territoriales des responsabilités qui leur reviennent en propre.

► Encore faut-il que les autorités politiques respectent et promeuvent effectivement la liberté, l’égalité et la fraternité. Le débat sur la « loi confortant le respect des principes de la République » a mis en évidence une tentation : celle de porter atteinte, par souci de la sécurité, à la liberté d’expression, d’association, d’éducation, voire de culte, et à l’égalité des citoyens, qu’ils soient ou non croyants. De plus, l’omniprésence des moyens numériques pose de nouvelles questions de respect des libertés. Il n’y aura pas d’égalité et de fraternité authentiques ni même de sécurité véritable et durable sans respect scrupuleux de la liberté des personnes. En retour, la liberté ne peut pas tout se permettre et ignorer les exigences de la fraternité. C’est le sens de l’interpellation que les évêques ont lancée en novembre 2020 à la suite de l’assassinat d’un enseignant à Conflans et de trois fidèles dans la basilique de Nice : « Il est temps de réfléchir à la manière dont nos institutions collectives et nos comportements individuels doivent promouvoir le respect et déployer la fraternité. Cette réflexion urgente doit être engagée par les pouvoirs publics. Elle concerne chacun d’entre nous. Elle nous concerne tous ». Chacun est libre de s’interroger sur les opinions et les représentations des autres mais tous doivent s’interdire la dérision et l’humiliation destructrices. Les relations humaines nécessitent une forme de tact et celui-ci est le fruit de l’éducation.

► Notre société est divisée et habitée par des violences latentes. Il est inquiétant en particulier que la police, la gendarmerie et même les pompiers et les premiers secours puissent être injuriés voire agressés. Il arrive que les forces de l’ordre se trouvent confrontées à des violences extrêmes et se sentent peu soutenues dans leur lutte contre la délinquance : parce qu’elles incarnent l’État, leur manière de se comporter aura valeur d’exemple et la rectitude de leur comportement a besoin d’être encouragée. La société française se sent menacée et aspire à plus de sécurité face au terrorisme et à la violence sociale mais les moyens sécuritaires sont nécessaires et non suffisants. Le respect de la Loi à tous les niveaux, du code de la route au code des impôts, s’impose à tous les citoyens. On devra aussi, dans le débat électoral, s’interroger sur la place qu’a prise la consommation des drogues, qu’elles soient qualifiées de « douces » ou de « dures » par leurs utilisateurs. La tentation de transgresser les limites de sa conscience lucide ou de son état physique normal et l’appétit de certains pour de nouveaux marchés et des profits élevés agissent à l’encontre du sens de la responsabilité de chacun envers le bien de tous.

LES RELIGIONS : UNE CHANCE POUR NOTRE SOCIÉTÉ EN QUÊTE DE SENS 

► Parmi les libertés fondamentales, le Conseil d’État l’a rappelé récemment à plusieurs reprises, figure la liberté religieuse. La « laïcité à la française », structurée par une jurisprudence qui a toujours promu le respect, l’équilibre et le dialogue, ne peut être sacrifiée sur l’autel de la peur (ou, dans certains cas, de visées électoralistes). Comme tous les citoyens, les croyants de toute religion sont tenus au respect de l’ordre public mais n’ont pas à être suspectés a priori en raison de leur appartenance confessionnelle.

► Le dénigrement systématique des cultes ne parvient qu’à susciter du religieux refoulé, potentiellement violent. Il est parfois plus facile pour les législateurs de débattre des religions à coup de formules à l’emporte-pièce que d’assumer pleinement les fonctions d’abord régaliennes et sociales de la puissance publique. Les religions peuvent toujours être instrumentalisées par la violence qui habite le cœur humain et le mouvement fondamental de la religion ne peut se ramener à une quête d’identité particulière : il doit être suscité par la recherche de Dieu, du bien, du vrai et du beau.

► La rencontre des croyants de différentes religions, à laquelle concourt la laïcité de notre société française, est une chance pour notre avenir social commun. Les croyants peuvent trouver dans leur religion les motifs profonds et larges d’un engagement réel dans la vie sociale et pour le bien commun, dans la sobriété de vie et le respect mutuel. La loi commune qui respecte la liberté de conscience de tout citoyen est la leur. Ils l’observent mais participent aussi à son élaboration qui peut passer parfois par sa contestation. La loi doit, en toute hypothèse, respecter les droits et les principes fondamentaux, tels qu’ils sont affirmés notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ou notre Constitution. La foi en un Dieu unique, Créateur de tous les hommes, fait grandir la conviction d’une unique humanité appelée à une destinée commune.
 

POUR UNE ÉCOLOGIE AUTHENTIQUEMENT INTÉGRALE

► La crise climatique qui menace la vie sur notre planète appelle une transformation écologique. Le monde occidental a créé depuis la révolution industrielle une société d’abondance, voire de surabondance, dont le moteur est devenu la consommation. Le confinement du printemps 2020 nous a fait découvrir non seulement l’urgence d’une évolution de notre système de production et de nos modes de consommation, mais aussi la possibilité d’un autre mode de vie, plus sobre, moins centré sur la consommation mais faisant toute leur place aux relations interpersonnelles. Le pape François y avait exhorté dès juillet 2015 par son encyclique Laudato si’. Il appelait tous les humains, spécialement les catholiques, à engager leur intelligence, leur énergie, leur créativité, leur volonté, non seulement à sauvegarder la « maison commune», mais plus encore à en « prendre soin ». Au moment où les élections offrent la possibilité de définir un nouveau projet collectif, il doit être clair qu’il ne suffit pas d’améliorer notre système de production et notre manière de consommer : il s’agit de travailler à les transformer profondément pour chercher comment produire ce dont nous avons besoin sans pour autant encombrer la terre de déchets ni épuiser ses ressources au risque d’en priver les générations à venir. Nos responsables économiques, industriels, agricoles et politiques doivent nous aider à oser cette transition. Ils ont commencé de la faire mais la décennie qui vient doit être une décennie de changements décisifs.

► Nous, catholiques, ajoutons que l’écologie doit être « intégrale ». Elle ne comprend pas seulement l’environnement de l’humanité, mais aussi la manière dont l’humanité se traite elle-même. Comme l’affirme le pape François, « l’écologie intégrale est inséparable de la notion de bien commun, un principe qui joue un rôle central et unificateur dans l’éthique sociale» (Laudato si’, 56). Parmi les conditions sociales qui contribuent au bien commun et donc à l’écologie intégrale, il faut citer : le respect de la structure familiale et de la vérité de la filiation, la lutte contre la misère, l’habitat indigne et les conditions de vie dégradantes, le refus de tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine, y compris l’esclavage dont la pratique perdure en certains pays. Comment prétendre promouvoir la biodiversité sans respecter au premier chef la dignité humaine dans toutes ses dimensions, notamment dans le domaine des recherches biotechnologiques ? Comment se réclamer du principe de précaution sans veiller à ne pas déstabiliser la condition humaine par des trucages juridiques ou des manipulations biologiques ? Le souci écologique peut et doit devenir toujours davantage une grande dynamique fédératrice pour notre pays et pour notre temps : encore faut-il qu’il ne se détruise pas lui-même en se coupant de tout ce qui fonde et protège la spécificité et la dignité humaines.

► Le confinement du printemps 2020 a fait ressortir la différence de condition entre ceux et celles qui sont logés agréablement et ceux et celles qui vivent dans des appartements trop petits, sans isolation phonique satisfaisante et dans des cités dépourvues d’espaces verts. Un plan de construction de logements et d’aménagement des quartiers périphériques devrait à nouveau être défini afin de permettre à tous nos concitoyens de bénéficier d’espaces naturels, de beauté, de culture et de gratuité, à proximité de leur domicile. Il y a en France près de 9 millions de personnes vivant sous « le seuil de pauvreté ». Il y a dans le monde 800 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim. Si ces personnes sont proportionnellement moins nombreuses que dans le passé, elles ne sauraient être considérées comme un nombre incompressible auquel il faudrait se résigner. Toute politique économique, toute vision de la production, de la consommation et de la distribution, doivent chercher à proposer des solutions concrètes pour que notre société française soutienne tous ses membres et que notre pays contribue à la justice à l’échelle internationale.


LA FRANCE N'EST PAS UNE ÎLE 

► En tant que catholiques, nous sommes convaincus que la destinée de chacun concerne l’humanité entière. La mondialisation économique et culturelle en cours appelle de la part de tous un effort créatif pour que le respect des histoires, des cultures, des écosystèmes locaux et des personnes l’emporte sur les logiques d’affrontement ou de déstructuration. La construction européenne, si emblématique d’un combat remporté contre les tentations d’affrontement et de guerre, doit être constamment revue pour ne pas tomber dans l’impuissance, la dérive libertaire, l’excès technocratique, le renoncement à promouvoir de vraies valeurs morales, au risque de contribuer à susciter des replis nationalistes.

► Les appels prophétiques du pape François en faveur des personnes migrantes engagent les sociétés les plus développées à adopter des comportements d’humanité et de générosité. Il ne s’agit pas de nier la légitimité de la régulation juridique des flux migratoires, mais de veiller à ce que personne ne prenne son parti des drames humanitaires qui se produisent constamment sous nos yeux ou à quelques encablures de nos côtes. Dans ce contexte, beaucoup soulignent à juste titre l’importance et la difficulté des politiques d’aide au développement en faveur des pays d’origine des personnes migrantes, souvent foyers d’extrême violence, de grande pauvreté, de violation des droits humains, de corruption, d’accaparement du pouvoir et d’accumulation de richesses par quelques-uns qui minent tous les efforts entrepris. Avec d’autres, les chrétiens doivent s’engager dans la prise en compte politique des questions de paix, de respect des droits de l’homme et de solidarité internationale, et contribuer à en faire un enjeu électoral de premier plan. Nous rejoindrons ainsi le souhait du pape François « qu’en cette époque que nous traversons, en reconnaissant la dignité de chaque personne humaine, nous puissions tous ensemble faire renaître un désir universel d’humanité» (Fratelli tutti, 8).

► Plus généralement, notre pays doit prendre en compte la montée en puissance démographique, technologique, économique de l’Asie et de l’Afrique. Non pas pour s’en inquiéter, mais pour s’interroger sur ses propres choix : accordons-nous la priorité aux nouvelles générations, à nos enfants et à nos jeunes ? Savons-nous les accueillir, les élever, les éduquer et les former ? En présence du dynamisme d’autres pays et d’autres cultures, où réside notre propre dynamisme ?


TRANSMETTRE

► À l’approche d’une étape politique importante pour la vie de notre pays, nous ne pouvons pas ne pas nous poser la question : qu’allons-nous transmettre aux générations qui viennent ? Depuis plus de cinquante ans, notre pays accumule les déficits budgétaires et commerciaux. L’augmentation constante et soutenue de la dette publique de notre pays et le déficit toujours plus important de notre système de protection sociale constituent des données particulièrement préoccupantes. Pour maintenir notre niveau de vie et notre consommation, allons-nous continuer à nous endetter ainsi ?

► Nous n’avons pas le droit de faire porter aux générations futures une telle charge et de tels risques. Dans nombre de domaines clés, nous sommes passés de l’interdépendance à la dépendance vis-à-vis de pays voisins ou plus lointains. Sans doute est-il temps de nous ressaisir si nous voulons que nos enfants conservent la maîtrise de leur destin individuel et collectif. Cela apparaît d’autant plus nécessaire que notre monde connaît une révolution technologique de grande ampleur : les instruments numériques transforment nos activités, nos relations, notre quotidien. Source de progrès et d’avancées scientifiques remarquables, la digitalisation du monde peut aussi restreindre l’homme voire l’asservir. Quels moyens nous donnons-nous collectivement pour garder le contrôle de ce changement majeur et pour faire en sorte que les générations nouvelles en soient les maîtres et non les esclaves ? L’éducation que nous donnons à nos jeunes est-elle à la hauteur de ce défi ?

► Enfin quelle place faisons-nous collectivement à ce qui édifie l’homme et notamment à la gratuité, au sens du service et à la vie spirituelle ? L’homme ne vit pas seulement de pain et n’est pas qu’un producteur et un consommateur. Ne sommes-nous pas saturés de biens, d’images, de sons et de sollicitations de toutes sortes ? Pour nos enfants, il importe que nous puissions vivre dans une société qui ne soit pas seulement marquée par le tumulte, l’accaparement, le conflit, l’agitation, mais où le calme, la contemplation, le don, la gratitude aient aussi droit de cité. Notre rapport à l’histoire ne peut pas se transformer en regard anachronique unilatéralement négatif sur le passé. Nous avons, au contraire, à puiser dans le meilleur des héritages reçus des ressources pour l’avenir et des raisons d’espérer.

CONCLUSION


 

► Enracinés dans l’expérience baptismale et ecclésiale de la fraternité, nous souhaitons contribuer à la fraternité sociale et universelle. Il ne s’agit pas de confondre les réalités spirituelles et temporelles, mais bien de les articuler. Nous ne sommes pas tiraillés entre notre identité de croyants et notre identité de citoyens parce qu’elles ne se situent pas sur le même plan. Les ressources spirituelles de notre foi emplissent nos cœurs de joie et éclairent nos choix de vie. Elles nous donnent également le goût de contribuer avec tous nos concitoyens, quelles que soient leurs appartenances intellectuelles, spirituelles et culturelles, à plus de justice et de paix. Elles ne nous dispensent pas de respecter les règles légitimes de la vie commune.

► Les évêques que nous sommes ne sortent pas de leur rôle en encourageant les chrétiens à exercer pleinement leurs responsabilités de citoyens, c’est-à-dire d’électeurs et d’acteurs du bien commun. Pour autant, nous ne donnons ni ne donnerons de consignes de vote, encourageant plutôt chacun à voter en conscience à la lumière des critères de discernement qu’enseigne le Magistère de l’Église et que nous rappelons dans ce texte. Comme l’écrivait le Cardinal Vingt-Trois en 2011 en introduisant la déclaration Un vote pour quelle société : « Nous devons soigneusement distinguer ce qui relève de l’impossibilité de conscience et ce qui relève d’un choix encore acceptable, même s’il ne correspond pas totalement à nos convictions, parce que, alors, un bien, même modeste, reste réalisable ou peut être sauvegardé, en tout cas davantage que dans d’autres hypothèses. Il ne s’agit pas de se résigner au moindre mal, mais de promouvoir humblement le meilleur possible, sans illusion ni défaitisme, et simplement avec réalisme ».

► Nous traversons des temps rudes et périlleux. Les échéances qui approchent seront cruciales. Mais la peur est toujours mauvaise conseillère. C’est l’espérance qui ouvre le chemin des choix courageux et salutaires. Dans la foi, nous savons que « l’espérance ne déçoit pas parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs» (Romains 5, 5). Voilà qui nous encourage et nous oblige à un amour qui « se donne de la peine » et à une espérance qui « tienne bon » (cf. 1 Thessaloniciens 1, 3).

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VOTER, C’EST ESPÉRER

Nous le savons, il n’y a pas de parti chrétien, de programme chrétien, de candidat chrétien. Mais il y a des principes fondamentaux, tirés du message évangélique, qui doivent nous aider à discerner, et qui sont encore rappelés par notre Conférence des évêques en ces temps d’élection. Plus encore, il y a l’espérance qui est la marque de fabrique des chrétiens et devrait toujours inspirer notre manière d’envisager la vie des personnes et de la société.

Dans les tout prochains scrutins, le simple fait de voter sera d’abord un refus du désabusement et du désengagement citoyen, un acte de foi dans la vitalité possible de notre démocratie.

Mais notre espérance ne s’arrête pas là ; il me semble qu’elle peut s’incarner dans une confiance réaliste et créative en l’avenir de notre société. Notre pays peut mieux se mobiliser pour relever positivement le défi de la mondialisation et de la construction européenne et y trouver un espace de développement. La France peut faire vivre ensemble des citoyens d’origines bien diverses en ne reniant rien de ses racines ni de son identité profonde. Notre société doit encore être fière d’être juste et généreuse, attentive aux plus pauvres, à ceux qui sont socialement marginalisés, mais aussi aux vies les plus fragiles, de la naissance à la mort. Nous devons refuser résolument de fermer notre porte à ceux qui ne savent plus où vivre, tout en maintenant fermement les exigences d’une vraie intégration.

En tant que chrétien, pasteur et citoyen, j’ose poser ces actes d’espérance, en souhaitant qu’ils inspirent l’expression de notre devoir civique.

+ Didier Berthet, évêque de Saint-Dié (2017)
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