Pâques Laurent Bretillot

« A l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine »

  Plusieurs fois, en vivant une marche de nuit de Pâques, avec la pastorale jeune sur les Plateaux, j’ai eu la joie de ressentir la force d’être un peuple en marche. Traverser ensemble la nuit, au moins une fois dans sa vie, quelle chance ! Traverser ensemble la nuit nous a liés  pour toujours. Une traversée qui en rappelle et en appelle tant d’autres. Traversée de la mort à la vie bien évidemment.

  Partant d’un village à la tombée du soir, nous découvrons les visages inconnus avec lesquels nous entrons dans la nuit. Se rassembler autour de l’eau du baptême, là où tout a commencé. Etre aspergé de l’eau vive et ressentir la fraîcheur de notre baptême, puis nous mettre en route. S’arrêter et écouter la Parole. Puis marcher en méditant. S’arrêter encore pour écouter la Parole et poursuivre au rythme d’un refrain de psaume. Se laisser accueillir dans un autre village par des habitants honorés d’un tel passage chez eux au cœur de la nuit. Boissons chaudes et autres bienfaits. Prendre le temps d’accueillir les témoignages d’Alliance, (un couple, une personne qui a vécu une renaissance, un projet humanitaire, revivre avec un handicap…), et nous voici à devoir reprendre la route au milieu de la nuit, mais de plus en plus poussés par un feu intérieur qui commence à crépiter en chacun. Alors, au loin nous apercevons un grand feu qui déchire la nuit. « T’as vu le feu ? ». Et voici que le feu éclaire notre nuit, il réchauffe les esprits. Un feu perce la nuit. Voici même quelques flocons de neige qui osent s'en approcher. Ils ne veulent pas manquer la fête et tournoient autour du feu, comme des papillons. Le feu est bénit et chacun reçoit le feu nouveau. Il se multiplie dans la nuit. Chacun le prend en mains, comme l’Evangile de Pâques qui vient éclairer les regards. Tous ces regards éclairés dans la nuit, comme c’est parlant: « A l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine » comme les femmes de l’Evangile nous recevons l’annonce tant espérée : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit ». Le jour pointe peu à peu. L’église du village nous ouvre un passage. Nous entrons éclairés du feu nouveau. La table est dressée pour le repas du Seigneur. « Il le reconnurent à la fraction du pain. » « Nos cœurs n’étaient-ils pas tout brûlants tandis qu’Il nous parlait. »

Expérimenter dans sa chair cette marche en traversant bien humblement la nuit de Pâques, nous a aidés à ressentir le Vivant qui vient nous relever pour un nouveau départ. Il vient même avec beaucoup de douceur et d’amour nous réveiller pour ne pas manquer d’être présent au lever du jour tant attendu. Venu dans nos humbles nuits, il est bien Celui qui vient nous tirer des profondeurs de la terre, des enfermements, des ténèbres de l’humanité.

  Alors, en cette nuit très Sainte de Pâques 2020, lorsqu’avec Emmanuel nous nous retrouvons comme deux compagnons d’Emmaüs, physiquement seuls dans la Basilique de Gray, limité géographiquement pour aller célébrer la grande Nuit Pascale, je revois ces belles marches de nuit de Pâques. Cette nuit nous nous sommes offert le luxe d’écouter toutes les lectures. Seuls au départ, nous étions peu à peu vite au cœur d’une foule immense, celle de tous les habitants des trois paroisses rejoints par la foule des croyants de tous les temps. Voici la nuit, l’immense nuit des origines.

  A 23h la ville est maintenant totalement plongée dans la nuit. Alors, en fermant la Basilique, voici que les étoiles du prophète Baruch scintillent et en profitent pour danser de joie à l’appel du créateur, comme les flocons de neige qui s’approchaient du feu. Elles sont partout dans le ciel de la ville, celles que l’on ne voyait plus. Ces temps, si étranges, nous obligent à de vraies traversées. Remplis d’Espérance, nous savons qu’un nouveau matin se lève pour l’humanité, tout particulièrement lorsque le maître de la Vie trouve sa place au milieu des hommes. Lorsqu’il dialogue avec nous par sa Parole. Aujourd’hui et pour toujours, il éclaire notre vie d’un jour dont lui seul à le secret... sa présence fidèle et sûr. En ces jours difficiles, les étoiles ne manquent pas.

                                                 Joyeuses Pâques à tous.

Abbé Laurent Bretillot.