Homélie Frédéric Jacquin 22 mars — Paroisse du Val de Pesmes

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Accéder au site diocésain

Paroisse du Val de Pesmes Paroisse du Val de Pesmes

Homélie Frédéric Jacquin 22 mars

Homélie de Frédéric Jacquin  

         4ème dimanche de carême

      Ce serait tellement plus simple si Jésus nous faisait un signe évident de son existence, du style d’une bonne apparition (façon Mont Thabor) ou un SMS : « oui je suis là, signé Jésus de Nazareth ! », ou alors une guérison miraculeuse, là, à l’entrée de notre église, ça, ce serait une vraie preuve, une preuve, solide, irréfutable, une chose vue de nos propres yeux !. Tous, nous demandons des signes, un jour ou l’autre nous avons été tentés d’en demander : Seigneur c’est promis, si ceci ou si cela, j’irai à la messe tous les jours, je croirai toute ma vie, je donnerai tout aux pauvres !

 C’est pour cela que le comportement des Pharisiens dans le passage d’évangile que nous propose la liturgie de ce dimanche, nous paraît scandaleux : comment peuvent-ils à ce point ne pas admettre le miracle qui s’est accompli d’une manière aussi éclatante et visible ? L’aveugle guéri a beau décrire le plus précisément possible l’événement qui lui a rendu la vue, rien n’y fait…  Comme l’aveugle est rejeté, Jésus sera rejeté par son peuple jeté dehors par les pharisiens : C’est ce que dit Jésus lui-même dans l’évangile d’aujourd’hui, C'est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles (Jn 9,39).
Cela nous amène à réfléchir sur le rôle des miracles. On ne peut pas douter de leur réalité dans l’évangile, comme dans la vie de l’Église aujourd’hui tant elle est scrupuleuse avant de dire que la situation d’un malade guéri ne recèle aucune explication scientifique acceptable, chez nous à la Basilique par exemple en ces temps d’anniversaire du premier miracle de guérison.

Mais notre foi doit elle se fonder sur les miracles ? D’un côté, ces phénomènes nous invitent à croire à l’action de Dieu dans le monde. Mais d’un autre côté Jésus veut que nous venions à sa rencontre librement, par choix, plutôt que contraints et apeurés par des signes que nous ne pouvons expliquer que par les pouvoirs de Dieu sur sa création. Dieu est un bon pédagogue, qui sait donner à chacun d’entre nous les signes qui conviennent : il nous donne assez de lumière pour croire et il laisse cependant suffisamment d’obscurité aussi si nous choisissons de ne pas croire.

 Finalement, à vrai dire, ce n’est pas vraiment Lui qui est en cause c’est nous. Nous avons eu la chance avec Agnès, lors de vacances en Crête, de nous rendre dans une abbaye Orthodoxe. Là, entre autres, il y avait un moine qui peignait des icônes, un moine iconographe, ce n’est pas un gros mot, iconographe quoiqu’on pourrait facilement le trouver dans un album de Tintin dans la bouche du capitaine. Non, un iconographe peint des icônes de saints, des scènes d’évangile, ou plutôt, il les « prie ». Alors on n’a pas pu rester très longtemps car nous étions en groupe, mais en observant, sur place et en me renseignant un peu, on remarquera que quand l’iconographe prépare une icône, il commence par les couleurs sombres, il fait remonter l’image du néant, du « tohu bohu », et la couvre progressivement de lumière jusqu’à ce que le sujet soit parfaitement clair. En le regardant travailler, je suis comme l’aveugle, je veux voir, je ne vois rien et quand je vois quand c’est achevé, je suis admiratif. Mais au fond, qu’est-ce que je vois ? une image ? non ! ce que je vois, c’est toute une histoire de foi : c’est comme l’aveugle qui ouvre les yeux et dit « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui. »

Les pharisiens, eux, voient jésus, ils voient tout ce qu’il fait ! Mais ils voudraient un signe ! Mais jésus leur en a fait des tonnes de signes, ils ne veulent pas les voir, ce n’est pas une question d’œil c’est une question de cœur comme devant une icône.

Le regard de notre cœur, c’est lui qui nous permet de reconnaître Dieu à travers les signes qu’il nous fait. Et oui, parce que Dieu continue à nous faire des signes, tous les jours, et nous, nous ne les voyons pas, absorbés que nous sommes à lire notre journal, à surfer sur internet, ou passer notre temps à regarder ce que nous proposent les chaines de télévision, des flots d’informations, vraies ou non vérifiées, des émissions d’un intérêt discutable pour bon nombre, voire d’une infantilisation maitrisée pour beaucoup.

 En ces temps de confinement qui nous disent aussi que ne plus rencontrer les autres, c’est aussi prendre soin d’eux, en ce temps de carême qui nous permet de nous regarder dans le cœur, prenons justement soin de nous et de notre relation à Dieu. Dieu nous fait des signes : chaque matin le soleil se lève et nous ne nous émerveillons pas, chaque jour nous nous levons, et nous ne rendons pas grâce, nous ne voyons pas une main tendue, un regard, un sourire échangé, un pardon demandé et accepté… Si nous ne voyons pas c’est peut-être parce que notre regard ne sait plus capturer la lumière.

 Faut-il donc que nous allions nous aussi à la piscine de Siloé ? Peut- être : le carême est ce temps où nous pouvons retirer ce qui nous empêche de voir ce que Dieu fait dans nos vies. Allons à la piscine de Siloé. Ne cherchons plus, elle existe cette piscine, on y rentre à genoux et on en ressort debout. Elle existe, Jésus savait bien qu’il ne serait pas toujours là pour guérir les aveugles, alors il nous l’a laissé cette piscine : c’est le baptême, c’est le sacrement de réconciliation, on y arrive aveuglé par notre péché, accablé de nos fautes et on en ressort débarrassé de tout, léger et clairvoyant. Comme le dit saint Paul, nous sommes des fils de la lumière, nous sommes faits pour cette lumière, ne la refusons pas, laissons Jésus ouvrir nos yeux.