Intervention du Dr DUBROEUCQ sur les soins palliatifs — Doyenné 13 / Luxeuil

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Accéder au site diocésain

Doyenné de Luxeuil Doyenné de Luxeuil

Intervention du Dr DUBROEUCQ sur les soins palliatifs

Le docteur DUBROEUCQ rappelle que l’accompagnement des personnes souffrantes et la préservation du don de santé sont des priorités évangéliques. Voici son témoignage le jour du dimanche de la santé à la basilique de Luxeuil.

« Médecin pour la Vie »

Nous célébrons peut-être, pour la dernière fois cette année, le dimanche de la santé dans un pays où l’aide active à mourir, formule qui recouvre l’euthanasie et le suicide assisté, est encore considérée comme un homicide et condamnée par la loi.

Une consultation citoyenne travaille en ce moment sur la fin de vie et doit rendre ses conclusions en mars prochain.

Selon les sondages, 94% des français seraient favorables à la légalisation de l’euthanasie (sondage IFOP 2022), et parmi les catholiques pratiquants, 59% s’y déclarent également favorables dans un sondage IFOP réalisé en 2013 pour la revue Le Pèlerin.
 

Médecin, j’ai exercé 30 ans dans le Centre de Lutte Contre le Cancer de Reims. J’y ai créé en 1993 une équipe de soins palliatifs, j’y ai exercé en tant que médecin dédié à la prise en charge de la douleur, de l’accompagnement dans les phases évoluées de la maladie et des soins de support.

Depuis novembre 2021, je suis médecin à l’hôpital de Luxeuil où un service de convalescence pour les personnes traitées pour un cancer vient d’être créé.

Pour la grande majorité des français, il faudrait autoriser l’euthanasie pour les situations où il n’y a plus rien à faire, où la médecine a atteint ses limites dans le combat contre la maladie.

Mon témoignage est le suivant : quand il n’y a plus rien à faire contre la maladie, il reste beaucoup à faire pour prendre soin de la personne malade :

- traiter les douleurs physiques et soulager tous les inconforts ;

- informer clairement toutes les personnes qui le demandent de l’évolution de leur maladie et respecter leurs directives par rapport aux examens et aux traitements ;

- être disponible, à l’écoute, attentif aux inquiétudes et aux peines de l’entourage ;

- être attentif aussi au vécu des soignants impliqués dans l’accompagnement de cette personne, que ce soit à l’hôpital ou à domicile.

Et lorsque les moyens sont réunis, quand la personne est soulagée physiquement et sa souffrance psychique prise en compte, quand elle est assurée qu’il n’y aura aucun acharnement thérapeutique, qu’elle sera comme son entourage accompagnée par une équipe compétente, motivée et bienveillante, les demandes d’euthanasie sont exceptionnelles.

Au cours de ma longue période professionnelle en cancérologie à Reims, j’y ai rencontré plus de 5000 patients, je n’ai été confronté qu’à 5 situations où les patients ont exprimé, dès le début de leur prise en charge mais aussi de façon réitérée jusque la phase terminale de leur maladie, le projet de solliciter un service qui pratiquerait l’euthanasie ou le suicide assisté.

Il s’agissait de personnes qui avaient milité longtemps pour une autorisation de l’aide active à mourir au sein de l’association pour le droit à mourir dans la dignité. Je leur ai toujours rappelé qu’elles étaient libres de quitter l’institut pour accéder ailleurs à leur demande, aucune n’a fait le déplacement.

Les sondages à propos de la fin de vie questionnent notre peur de mourir, notre peur de la perte d’autonomie et de la dépendance, la peur de souffrir. Nous sommes nombreux à ressentir cette peur lorsque nous sommes bien portants et c’est légitime.

L’expérience de la maladie grave transforme en profondeur notre regard sur la vie, à la condition, encore une fois, d’être tout à fait soulagé, d’être rassuré sur le respect de ses directives, et assuré de n’être pas un poids ni pour l’équipe soignante, ni pour l’entourage, ni pour la société.

Si comme je le crains, l’aide active à mourir était dépénalisée, je m’interroge et m’inquiète de ce que deviendra notre métier de soignant.

On nous rassure : il s’agirait de réserver ces pratiques aux situations exceptionnelles d’adultes atteints de maladie grave évolutive en phase terminale. Comme aux Pays Bas en 2001, et en Belgique en 2002, quand ces pratiques y ont été autorisées.

Depuis, dans chacun de ces pays, on assiste à une banalisation de l’euthanasie que je considère effroyable :

Aux Pays-Bas, la loi prévoit aujourd’hui que le médecin peut accepter la demande d’un mineur, à condition que ses parents soient associés à sa prise de décision entre seize et dix-huit ans, ou donnent leur accord entre douze et seize ans.
La Belgique permet depuis 2014 l’euthanasie des mineurs, sans aucune condition d’âge, il faut qu’un professionnel atteste de sa capacité de discernement.

Si l’euthanasie était dépénalisée dans notre pays, quelle procédure serait mise en place dans nos services hospitaliers publics, ou à domicile, pour que chaque français, dont la maladie rassemblerait les critères retenus par la loi et qui en ferait la demande, soit assuré d’être euthanasié ?

Comment seront considérés et respectés les soignants qui s’opposeront à pratiquer l’euthanasie ?

Nous devrions être fiers que dans notre pays, provoquer la mort soit encore aujourd’hui un interdit, une porte infranchissable.

J’ai conscience qu’il y a encore beaucoup trop de situations de fin de vie inacceptables : trop de services hospitaliers ou d’équipes soignantes à domicile manquent de moyens humains et matériels pour soulager et accompagner comme il le faudrait les personnes en fin de vie.

Il manque aussi dans de nombreuses régions, comme la nôtre, d’équipes et de services de soins palliatifs pour prendre en charge les situations les plus complexes.

C’est là le combat à mener.

Et n’attendons pas d’être confrontés à ces situations de maladie grave ou de handicap, pour nous ou pour nos proches, pour aborder le sujet de la fin de vie : parlons-en bien en amont, en se renseignant aussi, si ce n’est déjà fait, sur ce que sont les directives anticipées, la désignation d’une personne de confiance et sur la loi en vigueur Léonetti-Claeys de 2016.

Dimanche de la santé, 12 février 2023, Olivier DUBROEUCQ