Le Concile de Florence, concile d’union entre orthodoxes et catholiques — Service diocésain de la catéchèse et du catéchuménat

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Le Concile de Florence, concile d’union entre orthodoxes et catholiques

Le concile de Constance clos en 1418 avait permis de retrouver une certaine sérénité dans le gouvernement de l’Église catholique. Toutefois l’un des documents signés par les pères du concile, la bulle Frequens, va agir comme une bombe à retardement…

Bis repetita ?

Si tout semble apaisé dans la chrétienté de ce début de XVe siècle, la ligne conciliariste a toutefois remporté une manche décisive face au pouvoir du pape grâce au décret Frequens. Le décret prévoit en effet que le pape convoque un concile général tous les 5, 7 puis 10 ans pour la conduite de l’Église.

Conformément à ces dispositions, et après une première tentative en 1423 à Pavie, le pape Martin V convoque un concile pour l’année 1431. Mais avant même que le concile s’ouvre à Bâle, ville proche des lieux de contestation, le pape meurt. C’est Gabriele Condulmer, un religieux originaire de Venise, qui est élu en mars sous le nom d’Eugène IV. En juillet 1431 il ouvre le concile. Devant le peu de participation des évêques, et craignant que cela tourne au fiasco, le nouveau pape décide de dissoudre le concile. Contre toute attente l’assemblée réagit vivement à la décision pontificale qu’elle interprète comme une reprise en main autoritaire. Les évêques se maintiennent contre l’avis du pape.

Après quelques années d’embellie, on retrouve donc une situation conflictuelle qui va encore durer plusieurs années. Le pape reconnaît à nouveau le concile en 1433. Mais pendant ce temps, le concile de Bâle et le pape se livrent à une curieuse compétition.

L’union avec les Orientaux

En quête de légitimité, le concile et le pape s’affrontent dans un domaine inattendu, celui que nous appellerions aujourd’hui l’œcuménisme. En effet le schisme de 1054 entre orthodoxes et catholiques avait laissé des traces douloureuses des deux côtés de la Méditerranée. Après une première tentative lors du concile de Lyon en 1274, le projet d’union de la chrétienté était présent dans les esprits.

Le chantier de l’union avec l’Église grecque se présente alors comme une preuve de crédibilité pour l’un et l’autre parti. Les négociations commencent donc pour la venue d’une délégation depuis Constantinople. Pour des raisons pratiques et militaires, l’empereur d’Orient demande que la rencontre puisse se dérouler sur la façade adriatique de l’Italie et préfère négocier avec le pape Eugène IV plutôt qu’avec le concile.

Le pape se trouve donc en position favorable et déplace officiellement le concile de Bâle à Ferrare. Une somptueuse délégation de 700 personnes menée par l’empereur d’Orient Jean VIII Paléologue suivi par le patriarche de Constantinople Joseph II débarque ainsi en Italie à la fin de l’année 1437. Toutes les conditions semblent réunies pour aboutir à une avancée majeure. Deux patriarches (Rome et Constantinople) sont présents et les trois autres (Antioche, Alexandrie et Jérusalem) sont représentés, 200 évêques latins et orientaux sont réunis et on attend les représentants des princes occidentaux

Premières difficultés

L’entretien d’une telle assemblée coûte cher au pape et une épidémie de peste se propage à proximité de Ferrare. Invité par la famille Medici, l’imposant rassemblement se déplace à Florence où les travaux peuvent enfin commencer. Mais un biais important subsiste du côté oriental. Menacé par les armées ottomanes, Jean Paléologue est surtout venu chercher un soutien militaire. Pour lui l’union religieuse est le préalable à une alliance politique. La mort du patriarche de Constantinople en 1439 à Florence ne contribue pas à apaiser les voix discordantes parmi les évêques orientaux qui refusent de sacrifier leur orthodoxie à des calculs stratégiques.

Quatre thèmes théologiques

Évêques et théologiens concentrent leurs discussions sur quatre questions disputées entre Orientaux et Occidentaux :

  • La primauté pontificale (honorifique ou juridique ?) ;
  • L’ajout du Filioque dans le Credo ;
  • La doctrine du Purgatoire ;
  • L’utilisation de pain levé pour célébrer l’eucharistie ;

La question de la primauté concerne la position du pape par rapport aux autres patriarches et évêques. Est-il le chef suprême de l’Église ou bien simplement le premier parmi les cinq patriarches ?

Le Filioque est un ajout au symbole de Nicée-Constantinople décidé par l’empereur Charlemagne et refusé en Orient. C’est un point de théologie qui peut paraître abstrait (le Saint Esprit procède-t-il du Père ET du Fils ou bien du Père PAR le Fils ?) mais qui pose la question de la fidélité aux formules proclamées lors des premiers conciles œcuméniques.

La doctrine du Purgatoire est apparue en Occident autour de la fin du XIIe s. Elle est donc mal connue et mal comprise chez les grecs.

Enfin la nature du pain à utiliser pour célébrer la messe fait débat depuis au moins le schisme de 1054. Du côté latin on a commencé à utiliser exclusivement du pain azyme (non levé) à partir du IXe s. tandis que l’Orient continuait à employer du pain levé.

 

Les trois derniers points parviennent à être résolus mais la primauté fait toujours difficulté. L’empereur byzantin exerce une forte pression sur les évêques orientaux, pressé par la situation militaire difficile de son empire face aux Turcs ottomans. Militairement et culturellement il a besoin du soutien occidental pour maintenir l’empire byzantin.

Finalement le décret d’union Lætentur cœli est signé le 6 juillet 1439 en deux exemplaires grec et latin. Suivront d’autres actes d’union avec les Arméniens, les Coptes, les Syriens, les Chaldéens et les Maronites. Pour aboutir à ce résultat une formule de consensus a été trouvée :

« Nous définissons encore que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain détiennent la primauté sur toute la terre ; que ce pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre […] ; qu’à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus Christ plein pouvoir de paître, régir et gouverner l’Église universelle, comme il est dit dans les actes des conciles œcuméniques et dans les saints canons. »

Le lendemain une messe solennelle à laquelle tous participent manifeste l’unité retrouvée, mais on interdit aux Byzantins de célébrer également une messe dans leur rite…

Réception du concile

Parmi les évêques orientaux, deux ont refusé de signer le décret d’union. Marc d’Éphèse organise l’opposition, suivi par Isaïe de Stauropolis. Un troisième, Isidore de Kiev, pourtant signataire, n’est pas suivi par son clergé et le peuple fidèle. Il rejoint ainsi l’opposition à l’union. Petit à petit s’impose en Orient l’idée qu’il vaut mieux garder la vraie foi orthodoxe sous domination musulmane que de risquer de la perdre avec les latins. Quelques décennies plus tard, en 1453, la chute de Constantinople entérine cette position.

Après avoir réaffirmé l’autorité du concile sur le pape, la minorité d’évêques restés à Bâle dépose le pape Eugène IV en 1439 et élit le duc de Savoie Amédée VIII comme pape. Ce dernier avait acquis une grande renommée en prenant la vie d’ermite à la suite de son veuvage. Il accepte l’élection et adopte le nom de Félix V. La situation n’est cependant pas à l’avantage des frondeurs qui doivent quitter Bâle. Finalement en 1449 l’antipape Félix V renonce à toute prétention, le pape joue l’apaisement et le nomme cardinal.

Et pour nous ?

Gardons à l’idée que l’unité ne peut pas se faire à n’importe quel prix, que le respect des consciences importe davantage que la réussite extérieure. Autant de convictions dont nous pouvons témoigner auprès des enfants et des adultes qui nous sont confiés. À travers cette tentative d’union, résonne l’invitation à garder le souci des chrétiens orthodoxes, à la fois dans une connaissance et un soutien mutuels. Cela peut par exemple se manifester par des références picturales ou photographiques à la culture orientale.

La question du conciliarisme de la fin du Moyen-Âge peut évoquer les réflexions actuelles sur la synodalité. À d’autres échelles nous pouvons nous interroger sur la façon de faire fonctionner des instances représentatives avec l’organisation hiérarchique de l’Église.

L’Église a traversé des périodes troublées au cours de son histoire. Nous pouvons nous réjouir aujourd’hui de la stabilité et de l’unité de foi et de gouvernement dans l’Église catholique et des effort œcuméniques. Notre situation est beaucoup plus simple que celles des fidèles du XVe s. !

Emmanuel Barsu, prêtre

 

 

Voir aussi sur le même sujet l'émission La Foi prise au Mot diffusée sur KTO TV le 26 novembre 2017